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À quoi rêve une fille sur un toit en zinc
16 avril 2010

Les morts-vivants du métro

Avez-vous déjà croisé quelqu'un avec l'intime conviction que cette personne n'était pas réellement vivante ? Je ne vais pas me lancer dans des élucubrations pseudo-fantastiques, non, je veux juste parler de ces gens qui, bien qu'assurant l'ensemble de leurs fonctions vitales, semblent attendre simplement que les jours passent. Il vivent dans leur routine quotidienne, nourrissent leur famille s'ils en ont une, travaillent, cotisent, disent bonjour aux voisins, bref, assument leur fonction sociale mais ont renoncé au sentiment égoïste de se sentir en vie. Le regard d'une de ces personnes m'emplit toujours d'une vague tristesse.

À moins d'avoir été exposé à un grand danger, d'avoir perdu connaissance, on ne se pose pas la question de savoir si l'on est  mort. Quand bien même cette question nous effleurerait, le simple fait de vérifier que l'on respire nous rassure sur notre situation. Mais qu'est-ce que se sentir en vie ? Ce n'est pas cette simple sensation de ne pas être mort. Faut-il créer quelque chose, emplir chaque jour d'un acte qui prouverait que l'on vit réellement et que l'on ne se contente pas de se laisser vivre, éprouver des sensations fortes ou des sentiments violents ?

On peut opter pour la dernière solution. Par exemple, j'ai vu un jeune homme se morfondre durant des mois pour une fille qui, c'était évident, n'aurait jamais cédée à ses avances. Pourtant, il s'obstinait à tenter de la séduire et elle s'amusait de le voir virevolter ainsi, jouait avec sa jalousie et brisait toujours les espoirs qu'elle avait pu lui donner auparavant. Le voyant de plus en plus triste, j'ai fini par lui expliquer qu'il était fort peu probable qu'il arrive à ses fins et lui-même a convenu que cette obsession lui pourrissait ses jours et ses nuits. Cependant, à ma connaissance, il essaye toujours de l'attirer à lui. On pourrait penser que ce jeune homme, par ailleurs charmant, doit être un brin masochiste, mais je pense qu'il laisse durer cette torture de peur de perdre  la précieuse sensation d'être en vie que lui procure ces sentiments de frustration et l'illusion d'un amour impossible.

En ce qui me concerne, je ne pense pas que se créer des sentiments factices soit une des meilleures solutions. Peut-être est-elle efficace à court terme, mais si l’on prend conscience du mensonge dans lequel on vit, la chute doit être particulièrement brutale. La remise en question sera, à mon avis, très difficile et douloureuse. Prouver chaque jour que l’on est en vie, que ce soit par des actions d’éclat ou par la création, me semble illusoire. On ne peut pas être un héros quotidien et l’inspiration artistique n’est pas toujours au rendez-vous.

J’ai donc opté pour la solution des sensations « fortes ». Rassurez-vous, éprouver des sensations fortes ne signifie pas forcément prendre un abonnement dans un quelconque parc d’attraction, risquer sa vie à chaque passage piéton ou encore se droguer à longueur de journée. Ce sont de tentatives maladroites pour tenter d’éprouver quelque chose, mais ces sensations sont tout aussi factices que les sentiments du jeune homme vu précédemment.

J’essaye d’utiliser au maximum mes cinq sens, de décrire de la façon la plus précise possible tout ce que j’arrive à ressentir. Avez-vous remarqué que Paris a une odeur très particulière l’été, en fin de journée ? Combien de nuance de jaune voyez-vous chaque jour ? Vous êtes-vous déjà assis(e) sur un banc, au milieu d’une place animée et, en fermant les yeux, avez-vous réussi à reconstituer ce qui se passe, juste en écoutant ? C’est à ça que je joue aussi souvent que possible et, à ce jour, durant ma courte existence, rien ne m’a plus prouvé que j’étais en vie que la sensation de la pluie battant mon visage.

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